À 55 ans, tout semblait prêt pour un périple de 80 jours à travers l’Asie : itinéraires planifiés, logements réservés, transports intérieurs bouclés. Pourtant, aucun manuel de voyage ne m’avait préparée à ce qui se passait à l’intérieur de moi. Partir seule n’était pas seulement une question de logistique, mais surtout un défi intime, où chaque émotion devient un compagnon de route inattendu.
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TogglePartir seule pour se retrouver
Après des escapades toujours partagées avec une amie – rires, photos à deux et retours souvent douloureux – l’envie de m’affranchir de tout cadre social s’est imposée. L’anglais « approximatif » n’était plus un frein : mes proches m’avaient prouvé que je pouvais converser avec un carnet de croquis et un sourire. Mon objectif ? Me confronter à ma propre présence, sans divertissement extérieur, pour découvrir ce que je pouvais encore apprendre sur moi-même. Le 24 février 2019, le cœur serré devant l’avion, la première étape a été Bangkok. Sous le soleil de midi, mes craintes se sont estompées dès mon premier tuk-tuk, quand j’ai réalisé que débrouillardise et humour suffisaient à compenser toutes mes hésitations.
Un long périple
La magie a opéré dès la première semaine : un accueil chaleureux, des plats épicés et l’observation attentive d’un monde si différent. Mais très vite, la solitude s’est installée. À Chiang Mai, j’ai aidé bénévolement dans un camp d’éléphants malades ; l’empathie mêlée à l’impuissance m’a bouleversée. Comment gérer seule cette vague d’émotion ? Chaque bus imprévu, chaque stop en pleine campagne devenait une aventure, mais me laissait épuisée. Lors d’une balade matinale, j’ai surpris des paysans, cagoulés pour se protéger du soleil, jardiner dans un champ : un tableau poignant de dignité face à la chaleur torride. Les appels à la maison, toujours rassérénants pour mes proches, masquaient mon moral en berne : entre l’exaltation des découvertes et le poids de l’isolement, mon esprit vacillait.
Atterrissage douloureux mais salvateur
Le retour a été un choc : un mal-être profond, des larmes sans fin et une dépression sévère. Les psychologues du voyage qualifient ce « syndrome du voyageur » comme une forme de désorientation post-aventure, touchant près de 30 % des explorateurs en solo. C’est dans une thérapie – où j’ai réalisé à quel point j’avais absorbé une culture étrangère empreinte de résilience et de simplicité – que j’ai compris combien cette épreuve m’avait transformée. La misère tranquille des villages, l’hospitalité sincère malgré la précarité, ont fait écho à ma propre quête de sens.
Aujourd’hui, à 58 ans, riche de cette expérience, la solitude n’est plus une crainte : elle est devenue une amie fidèle, m’invitant à revenir sur les rails avec un regard apaisé. Mieux préparée dans mon cœur que dans mon sac à dos, je sais désormais que chaque voyage commence par un pas vers soi-même.